Le mystère de la cervelle de l'huître, une enquête de Stuart l'Ebouriffu.
Il existe encore au monde de grands et beaux mystères, c'est le Monsieur de l'île Madame qui a mis à Stuart la puce à l'oreille (pas de sarcasmes, s'il vous plaît).
En effet, un enfant inspiré lui a posé une question primordiale et indispensable à la bonne marche des sciences : l'huître a t-elle une cervelle ?
Monsieur Mineau, coupeur de muscle et éleveur de palourdes cracheuses, tel un héros de Kipling, a vu la tempête Xinthia ravager toute son entreprise et sans dire un seul mot s'est mis à reconstruire, et c'est avec le sourire qu'il a ouvert d'une main sûre une huître gourgandine qui, ondulant des cils, a montré à tout le monde les battements délicats de son petit cœur, sa dentelle fragile et mélangeuse et son âme claire et verte de fille de l'eau.
Mais de cervelle il ne fut pas question. C'est pourquoi l'écervelée s'est laissée manger par le maître sans autre forme de pensée, sous l'oeil jaloux de l'Ebouriffu à qui on offrit, herbivore consolation, de brouter de l'obione halophyte et comestible, de croquer de la laitue de mer, de mâcher une feuille de moutarde piquante et d'aller voir le repas du bar dont on apprendra qu'il est à la fois mou et nerveux et qu'il a besoin d'air, ce qui ne manque pas à l'île Madame.
palourdes au berceau
l'obione est bonne
laitue de mer
moutarde sauvage
coquillage local non identifié
Stuart en pleine action
Le Monsieur, armé d'outils aux noms barbares, la lousse, le simoussi, le souveron, a dansé pour l'assistance la danse du saunier et montré à qui voulait ses salicornes, à ne pas confondre avec les licornes sales qui ne poussent que dans les forêts boueuses et légendaires du continent.
De retour à Rochefort et à la Corderie, après un pique nique mayonnaiseux sous la pluie et sous un arbre, Stuart l'Ebouriffu a salué sur les cartes marines et les portulans ses cousins et cousines sirènes, éléphants et léviathans, a appris la bathymétrie et vu les instruments de mesure, admiré les vieux atlas et le théâtre optique animé par deux authentiques survivants de Lilliput plus vrais que nature.
l'Ebouriffu en situation périlleuse
Enfin, au musée de la Marine, ultime visite du séjour, il a rencontré sa collègue de proue légère et court vêtue et, pris d'un frisson fatal devant la boîte du chirurgien aux instruments brillants et menaçants, le malheureux a perdu illico l'oeil qui lui restait.
Rassurez-vous, lecteurs au grand cours, son flair est resté légendaire et sa cervelle intacte. Quant à celle de l'huître, animal charentais par excellence, elle court toujours.
Et c'est ainsi que Stuart l'Ebouriffu, après avoir résolu tant de mystères insondables et mystérieux, est retourné, fourbu, bigleux mais couvert de gloire au fin fond de la valise d'Alicia, si bien qu'il a loupé le mystère du bobo à roulettes qui achète des pommes de terre à 6,80 € le kilo en gardant le sourire, mais gageons que cette énigme aurait été bien trop forte pour lui.
Nous lui souhaitons une paisible retraite dans le petit village où il est né, nul doute qu'il saura encore de temps à autre demêler le vrai du faux et lutter contre la mauvaise foi gardoise qui n'a rien à envier à sa cousine charentaise, hélas.