le juste mot
Désœuvrée Mère Castor fronce la cervelle et cherche le mot qui claque pour dire le festival d'Avignon, suivi en pointillé pour cause de travail perché puis babillant.
Dieudonné Niangouna, brûlant, sec, fiévreux, dit son histoire douloureuse dans la cour des Célestins où deux platanes jouent avec lui leurs tourments de branches. (quelques spectateurs indifférents aux malheurs du Congo Brazzaville s'endormiront, mais sans ronfler, on est entre gens bien élevés) La Master Class animée par ce comédien metteur en scène éclairera quelques jours plus tard son travail énergique et concentré à l'extrème.
Dans le Jardin de la Vierge, deux duos : une danse tenue, éloge du vide et de la lenteur (dormez si vous voulez) puis une chanteuse sensuelle et une danseuse austère, extraordinaire et séduisant contraste. (Nacera Belaza puis Yalda Younes accompagnée au chant par Zakiya Hamdam) Jan Lauwers, charmant au demeurant, montre une décevante et brouillonne Maison des Cerfs (on avait aimé le Bazar du Homard et La poursuite du vent, on reviendra) La Menzogna, où Pippo Delbono égal à lui même, bavard et omniprésent, nous offre des images fortes, comme la vision lunaire et pacifique de Gianluca Ballaré à la peau de lait, un des acteurs de la troupe hétéroclite du maître, miaulant, donnant des coups de patte et courant nu sur le plateau, instant suspendu et doux au milieu des aboiements et des cris de rage. Tout de même, Wagner et les costumes gothiques pour parler d'une usine allemande, ça hume le cliché. Au cloître des Carmes, quatre muezzins du Caire, après avoir lancé le premier appel, racontent simplement leur vie et leur travail, chantent, nous montrent leurs familles, leurs gestes quotidiens. Leur métier tend à disparaître, leur bonne ville envisageant d'enregistrer désormais les appels à la prière par mesure d'économie. (dans le village de Mère Castor c'est la cloche de l'église qui est ainsi passée à la trappe) C'est paisible, simple, drôle, sans esbrouffe et les tapis sont moelleux. C'est Radio Muezzin, mis en scène par Stéfan Kaegi, qui continue son théâtre documentaire toujours respectueux de son sujet. (Mère Castor a un peu dormi sur l'épaule de Père Castor, les chansons étaient douces mais elle n'a rien compris aux paroles)
De Wajdi Mouawad, vu Ciels, Da Vinci Code inspiré et technologique, servi par une scénographie épatante et des comédiens excellents, et, si les tabourets tournant font mal aux fesses, on ne regrette pas le bon moment passé dans la boîte blanche. Du bon théâtre, rien de plus ni rien de moins, un genre de mission bien accomplie.
Des expositions : Rony Horn, aimé, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige «Tels des oasis dans le désert» à l'église des Célestins, aimé, Craig et les marionnettes à la maison Jean Vilar, aimé, par contre, un peu décue par le Préau d'un seul de Jean Michel Bruyère à la Miroiterie.
Du Off, quelques bofs Mais aussi les yeux brillants étoiles de mer ou de métal Du conteur breton Alain Le Goff Accompagné d'Achille Grimaud, leur beau spectacle s'appelle Temps de chien Un joueur de flûte de Hamelin servi par un comédien excellent (Raphaël Poli) et quelques belles trouvailles de marionnettes (merci Jeanne Vitez)
A l'île Piot, Tabù riche et beau mais qui fait mal au dos Des choses vues des choses oubliées Enfin le préféré, le chouchou de l'été, Nicolas Bonneau et sa Sortie d'usine, du beau, du bon, du grand qui parle bien, fort et juste du monde ouvrier. Lasse enfin de cette mise en page vauclusienne et désordonnée, Mère castor te promets pour demain deux morceaux croquignolets.