la vie au grand air
Mère Castor voyage. Elle va en Auvergne.
Elle en rapporte des champignons séchés, des pommes de terre dans un grand sac et sur ses vêtements une odeur unique, mêlée de vache, de feu de bois, de forêt.
Mère Castor voyage, elle va en Vendée.
Elle en revient du sable dans les chaussures, un coquillage au fond de la poche, une joue salée, et sifflant dans ses oreilles le bruit de la mer quand elle fait le grand jeu, gerbes d'écume, vent hurlant, drapeau rouge.
Mère Castor voyage. Calée dans son fauteuil, les pieds sous le poêle, elle voyage en Huc.
Elle y a vu ça :
On rencontre quelquefois dans la Tartarie des plaines plus
vivantes et plus animées qu'à l'ordinaire ;c'est lorsque la beauté des
eaux et des pâturages y attire de nombreuses familles. On voit alors s'élever, de toute part, des
tentes de diverses grosseurs, semblables
à des ballons gonflés par le gaz et déjà prêts à s'élancer dans les airs. Les
enfants, le dos surmonté d'une hotte, courent ça et là dans les environs à la
recherche des argols, qu'ils vont amonceler tout à l'entour de la tente. Les matrones donnent la chasse aux jeunes
veaux, font bouillir le thé au grand air, ou préparent le laitage; tandis que
les hommes montés sur des chevaux fougueux, et armés d'une longue perche,
galopent dans tous les sens, pour diriger dans les bons pâturages les grands
troupeaux qu'on voit se mouvoir et ondoyer dans le lointain comme les flots de
la mer.
Et ça :
Enfin nous découvrîmes dans le
lointain comme des nuages épais de poussière qui semblaient s’avancer vers
nous. Peu à peu nous vîmes clairement se dessiner les grandes formes de
nombreux chameaux conduits par des commerçants turcs. Ils transportaient à
Pékin des marchandises venues de l’ouest. L’aspect de notre petite caravane
était bien misérable à côté de cette interminable file de chameaux, tous
chargés de caisses enveloppées de peaux de buffle. Nous demandâmes au
conducteur qui ouvrait la marche, si nous étions encore loin de Tchagan-Kouren.
« Vous voyez ici, dit-il en riant malicieusement, un bout de notre caravane ;
l’autre extrémité n’est pas encore sortie de la ville. – Merci, lui
répondîmes-nous, dans ce cas nous serons bientôt arrivés. – Oui, bientôt, vous
avez tout au plus une quinzaine de lis*. – Comment cela quinze lis ?
Pourquoi dis-tu que tes chameaux ne sont pas encore sortis de
Tchagan-Kouren ? – Ce que je dis est vrai, mais vous ne savez pas que nous
conduisons au moins dix mille chameaux.
*un li =576 mètres, donc quinze
lis =8640 mètres,
ce qui nous fait une caravane de 8 kilomètres et demi.
Si tu ne vois pas Mère Castor sur son chameau, bercée par le roulis, tête dodelinante. au milieu des milliers d'autres chameaux, c'est qu'elle est emmitouflée, vêtue de laine qui gratte et qui sent la chèvre et de peau de buffle cousue main, à l'abri du vent et du froid.
Incognito.