petit grain
Le Grand Chantier c'est pour de rire et pourtant il arrive que de sales petits grains de sable qu'on n'avait pas vu arriver piquent les yeux, encombrent les godasses, alourdissent la marche et compliquent la vie, la vraie.
Alors on laisse couler, on essuie, on change de chaussures et on repart d'un bon pied, d'un bon pas, pas vrai ?
Sans transition ni plus d'explications, le Grand Chantier, épisode 3, version Mère Castor. (les épisodes précédents sont là pour le 1 et là pour le 2)
Caillasse-3. Les cadeaux.
Abasourdie encore de sa nuit passée à écouter de Lointaine les récits fabuleux, hypotyposes et descriptions minutieuses des palais, chambres d’apparats, fêtes extravagantes et banquets où, tandis qu’on acclame l’effigie de l'hypostase locale, l’hypocras coule en surabondance dans des coupes en or, allongée sur l’hypne qui lui sert de couche, Reine Petite regarde ses invitées, Lointaine et Mystérieuse, déballer les cadeaux qu’elles lui ont apportés : des clés. Merveilles de technologie, fruits d’alliages précieux et de recherches savantes, elles sont destinées à protéger la demeure de Reine Petite de toute intrusion maléfique à visée cambriolesque ou mutinière.
Allons, se dit-elle, à mon palais des bois, mon hypèthre champêtre, point de serrures : caché dans les racines d'un arbre, veillé par les oiseaux et entouré de formules magiques et dissuasives, c’est sa discrétion même qui le protège.
Cependant, souriante et faisant bonne figure, elle accepte les clinquantes offrandes, et tandis que Lointaine repose ses hypoglosses surmenés, elle se demande que faire de ces pesantes clés.
Et le palais ? se voyant déjà entouré d’une muraille de ferrailles jolies et chantant dans le vent, il sourit au matin, à la beauté des princesses et à l’air du temps.
Les en-chantiers de mars :
La suite de l'histoire écrite par Nicole, qui n'a pas de blog (les premiers épisodes sont sur les chantiers 1 et 2) :
Episode 3 : le mois dur, dit « le grain de sable »
Tout à coup, des souvenirs lui revinrent en mémoire, comme une rasade d’air frais en cette touffeur.
Une fillette sautille, pieds nus, accrochée à la main d’un vieil homme que tous les gens du village et des alentours appellent « sorcier »…Sorcier, « sourcier », elle ne saisit pas bien la différence, mais elle sait que son grand-père est sage et bon, et qu’il a le don de faire jaillir de terre, l’eau précieuse.
Avec lui, elle fait de longues promenades à travers champs, et elle trouve bien agréable de fouler l’herbe humide, de troubler, de sa main, pendant quelques instants, l’eau d’un petit cours d’eau, tandis que son grand-père psalmodie une louange au Principe Créateur et Premier et une hyperdulie en l’honneur de la Vierge.
Elle ne comprend pas tout, mais ressent la sérénité du moment…
Elle apprécie également les découvertes faites au détour d’un chemin : ici, une hypergée envahie d’herbes folles et d’arbustes à l’ombre accueillante, plus loin, lové dans un repli de terrain, un temple hypèthre…
De retour à la petite maison, le grand-père se sépare de l’aumônière qu’il porte à la ceinture .Elle perçoit le léger bruit du cuivre du Y au contact du meuble ainsi que l’éclat de la pierre.
Puis il prépare un lait tiède pour la fillette, une infusion de cannelle, de girofle et de vanille dans du vin pour lui. Toute la pièce en est parfumée. Assise sur ses genoux, elle a le privilège de tremper ses lèvres dans cet hypocras…
Il fait si bon, si doux, si frais.
Brusquement, elle éprouve à nouveau cette lassitude née d’une trop grosse chaleur. Elle a une impression de vertige…
En face d’elle la bohémienne était bien réelle et souriait.
Y en aura t-il plus ? Mystère de mars ou poisson d'avril, tu me dis et je lie aussi sec.
Demain, quatrième proposition pour le Grand Chantier.