le comble

Brenda, c'est toi ? Entre !
Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? Lui là ? Qui c'est ? Pourquoi il t'a pas répondu ?
Entre, je vais t'expliquer. C'est une invention géniale, j'te jure... il m'a coûté un bras, c'est vrai, mais ouf, quoi, ouf ! 
Un café ? Deux sucres, c'est bien ça ?
Comme tu sais, les gars sont toujours après moi, tu te souviens au collège...Oui, tu te souviens.
Bon.
Mais vois-tu, le boulot et la bagatelle ça fait pas bon ménage. A chaque fois qu'un type seul vient faire le plein, y'a toujours un moment où il joue à la main baladeuse et je peux même pas lui allonger une baffe vu que mes mains à moi sont prises, non mais c'est vrai ils se croient tout permis, comme si c'était un plein et une gâterie en cadeau bonus. Tiens, regarde, à force ma robe elle est toute décolorée derrière, et je te parle pas des taches de gras, à force je peux plus les ravoir.
Bref. 
Avec certains je dirais pas non, mais c'est pas un lupanar ici non plus. Mon vieux père c'est tout ce qu'il m'a laissé la station service, et de toute façon je sais rien faire d'autre.
Ah, oui, le bonhomme. Je t'explique. L'autre jour, dans un catalogue, je vois ça : un genre de robot qui garde ta maison. Alors là je me suis dit : bingo, c'est ça qu'il te faut, Suzy, pas tant pour garder la station que pour te garder, toi ! 
C'est drôlement bien fait, hein que tu y as cru ! Regarde : sur le pistolet de la pompe à essence, y'a un petit bouton qui déclenche le mécanisme. Il se met à hocher de la tête, à grogner, il peut même dire des trucs sur le temps qu'il fait ou la circulation, de toute façon les clients lui répondent jamais, mais du coup ils se tiennent bien. Y'a encore un peu de respect pour les vieux, par ici, c'est pas comme pour nous autres pauvres femmes. Et ils ont pensé à tout : les roulettes pour le déplacer sans se casser le dos, je le rentre la nuit sinon ça ferait louche... quand il pleut ? Je le tire sous l'auvent... les ultrasons ça c'est contre les chiures d'oiseaux et les pisses de chien, la clope avec de la vraie fumée, livré avec plusieurs tenues, tu peux choisir la couleur, le style... Ce qu'on invente pas quand même de nos jours.
Du coup les types me lâchent la grappe, je gagne du temps, j'ai augmenté mon chiffre d'affaires et j'ai déjà amorti le truc. Ah Brenda, tu peux me croire, je regrette pas mon investissement ! Un autre café ?
Son nom ? 
Devant les clients je lui donne du pépé, mais par derrière, je l'appelle mon petit épouvantail à lourdaud adoré.
De toute façon il s'en fiche, je l'ai pas programmé pour qu'il me réponde.
Ni pour qu'il bouge les mains.
Manquerait plus qu'il s'y mette lui aussi, ça serait le comble.

C'est lundi, c'est Lakévio.

Lakévio qui, à propos du précédent billet me dit en commentaire : Je suis sûre que tu connais le livre d'Elisabeth Bing "Et je nageai jusqu'à la page"... (...) Alors là ! J'en reste baba.

Formidable internet qui ravive la mémoire -merci Lakévio- d'une étrange histoire à propos de ce livre que j'ai lu en effet il y a longtemps. 
Je l'ai trouvé dans les rayonnages de la bibliothèque municipale parmi les romans, première étrangeté, il aurait du être rangé dans les documentaires, classement oblige. C'est donc le hasard qui me l'a fait découvrir. A l'époque je n'animais pas d'ateliers d'écriture, mais quand plus tard on m'a proposé de le faire, je me suis souvenue de ce livre - je me souviens aussi du conseil donné par François que j'avais remplacé au pied levé  : éclate-toi. Conseil concis que j'essaye toujours de suivre- 
Je vais donc à la bibliothèque pour l'emprunter de nouveau- pas François, le livre d'Elisabeth Bing - et là commence le mystère : impossible de le retrouver, ni dans les romans ni dans les documentaires, plus bizarre encore il n'apparaît nulle part dans le fichier et la bibliothécaire de l'époque n'en garde aucun souvenir. Je l'ai longtemps cherché, il m'arrive même (chut ! ne le répète pas, on va encore dire que je débloque) de le chercher encore sur les étagères. C'est un livre fantôme dont je suis la seule à garder le souvenir, un souvenir très précis puisque jusqu'à aujourd'hui, il me semble que c'est le meilleur ouvrage que j'ai lu sur la question.  

ça manque d'images tout ce blabla
et comme hier on est allés aux puces (ça faisait longtemps) 
voilà mes trouvailles
oiseau chanteur, cochon tout nu, livres livres livres
et billet à suivre

Comments

[emiliacelina]

heureusement que Lili a parlé de toi hier, parce-que en allant chez toi de nouveau je tombais toujours sur "le mouchoir" (bien aimé aussi !) Aujourd'hui elle me dit non! sur celui-ci, alors je reviens chez toi et en insistant (pourquoi? ) sur l'ordi je me rends compte que je ne t'avais pas lue! Je comprends le rire de Lili ! Bravo ! ...et tellement ....inattendu ! :)

[Pastelle]

Le livre existe chez Priceminister. ;)

[Anguillette]

Excellent, j'ai éclaté de rire devant mon écran (et "rire du matin : entrain ", bon je sais je viens de l'inventer...) !



le livre que tu cherches il y a un site sur internet où j'avais trouvé un livre "disparu". Me souviens plus, mais ça doit être facile à trouver.

Et heu... aux puces, tu n'as pas trouvé un papi-robot ?

[Pastelle]

Ah j'adore. Et contente de trouver quelqu'un qui fait parler la femme, pour une fois.

Et a tenu compte de la différence d'âge entre les deux personnages. Bien trouvé, bien joué, bravo. :)

[lakevio]

J'aime beaucoup le robot-pépé-épouvantail à lourdauds !



Oui, le livre d'Elisabeth Bing est vraiment bien. Il a dû plaire à quelqu'un qui l'a emprunté définitivement. Je me demande si je l'ai encore et où il pourrait bien être...