les pissenlits
A deux pas de chez nous, derrière la place du village animée de cafés, commerces, bureau de poste, banc des vieux et arrêt d’autocar, l'ancien cimetière. Jardin à chats errants et crottes de chien, jardin-chaos de pierres gravées et de croix cassées, curieux jardin où d’entrée un imposant cyprès incite à baisser le ton, à marcher lentement comme pour suivre tête basse un invisible cortège, à passer de dalles en dalles, à lire les belles lettres à déchiffrer les noms oubliés des morts qui reposent là, hommes, femmes et enfants poussière sous leurs pierres de guingois, juste derrière le café du jardin, le salon de la coiffeuse, la boulangerie et le tabac journaux de la place du village.
A six pieds sous terre, à deux pas.
Tout près, trop vieux, si loin.
De retour, il me revient ceci :
Blandin Georgette née Levrault
1846-1927
« arrête-toi passant et contemple la poussière vois le feuillage qui tombe et recouvre ma sépulture et la pierre qui s’effrite et la mousse qui dévore la croix de bois regarde regarde ô passant mon épitaphe lis lis-la qui dit ma vie et ce qui fut mes peines jusqu’au bout lis et de tes doigts enlève la terre qui recouvre la pierre gravée lis lis tout tout le texte lis de ma vie qui fut ainsi de ma vie qui fut ici sans joies ni peines non plus qui s’en est allée comme elle fut venue viens plus près viens et retire les feuilles qui cachent les lettres les belles lettres dorées de la vie passée à Moret lis l’amour de mes enfants et l’attachement de mon époux et l’affliction infinie et la douleur lis ô passant »
Patrick Kermann, La Mastication des Morts.
Une pensée pour Julie, qui, dans un autre temps et malgré son jeune âge, s’était fort bien approprié ce texte.