L’avant d’avant
En 1943, elle avait 21 ans et démarrait sa longue carrière d’institutrice à Dampierre sur Salon, dans des conditions difficiles. Dans ces lettres trouvées après sa mort, car on fouille après la mort, on déballe, on ressort les choses qui dormaient, on les met sous la lampe, on les dévore, on y cherche la vie, dans ces lettres donc la vie est là, une vie ordinaire, les tickets, les colis de nourriture, la nourriture toujours, le chat qui ronronne sur les genoux, les trafics de pelotes de laine, de pommes de terre, de sel, les tricots, les sabots, la boue, la TSF, la musique qui manque, les élèves pénibles, les collègues, le beau père dont on est sans nouvelles, et cette écriture, ton écriture qui n’a jamais changé.
Toi toute entière, toute neuve, vive, vivante.
Quoi de mieux, larmes séchées, pour alimenter la rubrique
C’était mieux avant et je le prouve (rubrique à tendance réactionnaire) :
Quoi de mieux, dis-moi, toi qui ne parles plus, n’écris plus, toi pour qui je n’ai plus jamais peur, peur que tu aies froid, que tu t’ennuies, peur des cambrioleurs, des accidents de voiture, peur pour ta santé fragile, toi la solide, l’énergique, la définitivement optimiste, peur de te perdre, toi que j’ai perdue et gagnée toute entière par cette perte même, produit fini, rangée dans une boite comme ces lettres envoyées à tes parents restés à Paris, quoi de mieux, maman, que ces deux petits morceaux choisis pour te redonner quelques secondes de vie,
quelle illusion.
Si, mon lecteur, tu prenais quelque plaisir à lire ces extraits, rien ne dit que je n’en publierai pas d’autres, puisque boîte il y a.
Ce billet est dédié à mes sœurs, à mon frère, à mes enfants.