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La Mère Castor
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5 novembre 2011

Gastralia

 

DSC_0016
Quand la femme au plastron fut découverte, errant sur la berge aride d’un petit fleuve inconnu, les yeux vides ourlés de rouge, le regard perdu, la démarche hésitante et les chaussures pleines de cailloux, elle portait, battant sur sa poitrine, un étrange plastron qui éveilla la curiosité des scientifiques tombés par hasard sur la photo qui accompagnait l’article que lui avait consacré dans la presse locale un pigiste en mal de nouvelles insolites et affriolantes.

DSC_0027En effet, ce plastron ne ressemblait à rien de connu dans les cultures régionales, et ne permit donc pas de rattacher cette femme à un quelconque des groupes vivant habituellement dans le secteur, d’autant qu’elle restait résolument muette malgré les efforts de communication déployés par les scientifiques qui se relayaient à ses côtés dans la cellule confortable que lui avait aménagé une ONG du département, touchée par sa situation précaire et son statut d’handicapée de la jeunesse, de la mode et de la parole.

DSC_0049

Ce plastron, on s'en souvient, fit l’objet d’études, de déclarations savantes, fut le sujet de plusieurs thèses et fut même à l’origine d’une querelle restée célèbre dans les annales et dont le point de départ était cette question  : Peut-on parler d’une esthétique de la capsule de pavot ? Question à dormir debout qui déchira la communauté botanico-anthropolo-artistique pendant de longs mois, les uns disant oui alors que les autres disaient non. On étudia avec soin et un par un les objets qui décoraient ce plastron, on échafauda des théories sur les plus sonores d’entre eux, se demandant s’ils servaient à éloigner les bêtes sauvages ou à prévenir les promeneurs de l’arrivée de l’étrange femme, des thèses sur la présence de trois clés dont on ne put jamais trouver quelles portes elles pouvaient bien ouvrir, des arguments pour expliquer la présence de boules de bois, où l’on vit soit de grossiers attributs masculins soit de touchantes évocations de la maternité, enfin des explications sur la présence d’un troublant personnage de plastique rouge, emblème qui garda son mystère jusqu’au bout des longues années de publications consacrées à ce plastron, on s’occupe comme on peut.

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Cependant personne au grand jamais ne songea à soulever le plastron de la poitrine de cette femme. Qui l’aurait fait y aurait trouvé un cœur battant, palpitant, frémissant et prêt à s’ouvrir, sans clé ni son de cloche, par la grâce de toute parole humaine tendre, désintéressée et bienveillante adressée à cette femme presque comme les autres, hors le port de ce malencontreux plastron.

DSC_0036(texte antédiluvien, c’est pourquoi la berge y est aride.)

Ce plastron est désormais conservé dans le cafoutche/atelier/musée du célèbre professeur Coumaïre, qui a fait des pieds et des mains pour obtenir sa garde. Visible aux heures d'ouverture du cafoutche, à condition de le demander gentiment.

Quant à la femme sauvage, elle a disparu dans la nature, ce qui, compte tenu de son attitude, est ce qui pouvait lui arriver de mieux. Cependant un promeneur aquaphile affirme l'avoir croisée sur les berges boueuses d'un ruisseau de province, sans pouvoir fournir d'autres preuves tangibles de cette rencontre qu'un cheveu gris de taille moyenne, tout empégué de boue et sur lequel dansaient trois feuilles de chêne brunes enfilées comme trois perles sur un collier. Chasser le naturel ? à quoi bon...

On ne pourra pas dire que je n'ai pas participé, ah non alors :

etiquette plastrons03 (petit)

La pourriture est un processus lent, c'est pourquoi, , la liste s'allonge doucement. Comme les nuits d'automne.

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Commentaires
C
superbe antiquité !!! je reviendrais faire un tour par ici, il y a encore tant à fouiller, exhumer...
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M
Quel magnifique travail, tant plastique que littéraire -oui, madame- ... ça me laisse sans voix.
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D
ben voilà, tu as exaucé mon souhait de raconter une histoire !
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S
Sous le Plastron, le coeur y est vigoureux, et plus encore ébouriffant
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M
rien à voir, mais j'ai entendu parler de ton Vidourle aux infos, et ils n'ont même pas parlé de toi... ils auraient pu dire "le Vidourle de la mère Castor" !
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